Et voila encore une photo qui fait du bruit! Après le portrait de François Hollande par Raymond Depardon c’est au tour de la photo de Paul Hansen, primée au World Presse Photo de faire la une des chroniques culturelles et médiatiques.
Pour ceux qui n’auraient pas vu la photo, vous pouvez la découvrir à la une du site Worldpressphoto.org. La photo a été prise lors d’un cortège funéraire dans la bande de Gaza, un groupe d’homme accompagne les dépouilles de deux enfants, morts lors d’un bombardement de l’Armée Israélienne.
Sur le fond, la qualité de la photo est exceptionnelle: le témoignage d’un photo-reporter sur l’une des plus longues guerres contemporaines, la souffrance des populations civiles (hommes, femmes, enfants), la détresse d’un peuple qui ne lutte pas à armes égales avec son ennemi de voisin, l’enjeu international que représente ce conflit, la barbarie aveugle que signifie la guerre. On est très loin des photos de chars israéliens high-tech et de jeunes palestiniens lançant des cocktails molotov. La guerre, c’est les bombardements, les destructions, les privations, la terreur… et la mort. Avec cette photo, on prend conscience de l’état de la ville, ou tout n’est que béton et fils électriques… un monde gris, des ruelles étroites, la poussière…
Mais l’environnement, même apocalyptique, n’est rien comparé à la souffrance de ce groupe d’hommes qui portent pour la dernière fois les corps de leurs enfants… Je dis bien LEURS enfants car j’imagine que pour chacun d’entre eux, parents ou non, c’est comme si ces deux enfants étaient véritablement les leurs, le fruit de leur chair. Le photographe a su saisir toute la détresse, la tristesse… et la colère de ces hommes. Aucune femme n’est présente dans ce cortège funéraire, ce rite étant pour la plupart des musulmans, réservés aux hommes seuls.
Alors pourquoi cette photo nous interpelle?
Probablement parce qu’au delà de sa parfaite réalisation, elle est belle… peut-être trop belle. L’auteur a pris le parti de la retoucher avant de la publier. Les responsables de World Press Photo ont assuré qu’ils exigeaient les RAW de toutes les photos qui leur étaient soumises, pour en vérifier la paternité et mesurer l’ampleur des retouches éventuelles. Elles sont refusées si elles présentent des retouches qui les dénaturent.
Si la photo respecte les règles de World Press Photo, d’aucuns estiment que l’auteur a été trop loin, modifiant radicalement l’aspect originel de la photo. Effectivement, le rendu hyper-réaliste, quasi graphique, proche du HDR peuvent nous questionner. Les linceuls sont trop blancs, les visages des hommes trop contrastés, ceux des enfants morts trop lisses, le ciel un peu trop dense… On dirait presque une BD, qui n’est pas sans me rappeler la bande dessinée « Gaza 1956 » par Joe Sacco, sublime ouvrage sur un massacre de civils palestiens par l’armée israélienne en 1956.
Peut-on « embellir » une telle photo? Peut-on magnifier la mort et la souffrance?
Au risque de choquer, je pense que si la retouche ne dénature pas la photo, s’il n’y a pas de montages (ajout ou suppression), elle est toujours la bienvenue. La photographie est bien plus qu’une représentation de la réalité matérielle et physique, elle est d’abord et surtout le fruit de la perception de son auteur. Je suis convaincu que Paul Hansen, malgré sa longue expérience des conflits armés, n’a pas du tout vu une ruelle sombre avec un groupe d’hommes portant 2 corps. Il a d’abord vu 2 enfants morts, puis des « parents » en pleurs, chacun de ces visages est probablement gravé en lui pour toujours. Alors, s’il a choisi de faire ressortir les corps des enfants, les linceuls blancs et les visages défaits de ces hommes, peut-on vraiment lui reprocher? Assurément non! N’oublions pas qu’il a selon les exifs de la photo, pris ce cliché avec une focale de 16mm, ce qui fait qu’il aurait probablement pu toucher ces enfants… Une telle proximité avec la mort et la souffrance dépasse de loin ce que la plupart d’entre nous ont connu ou connaitront, heureusement, dans leur vie. Laissons donc à Paul Hansen la possibilité de transmettre ce qu’il y vécu de la manière qu’il souhaite!
Et vous chers visiteurs, que pensez-vous de cette image?
Le site de l’auteur de cette photo: http://www.paulhansen.se/
Personnelement je suis très divisé sur cette photo, d’un coté il y a l’information percutante et de l’autre la technique. Si je m’arrête à la technique alors oui il y a quelque chose qui me dérange car je sais que si le post traitement est profond l’auteur peut choisir d’aller encore plus loin au risque de dénaturer encore plus l’information.
La lumière est à elle seule une information que nous tentons tous de capter en réalisant des photos mais lorsque celle ci est transformée alors ce n’est plus de l’information…
Finalement, n’essaie-t-on pas tous de faire de belles photos? Et parfois on les retouche un peu, on joue un peu sur les courbes et la photo palichonne devient plus vivante… Avec cette photo, on est un peu limite, mais ça ne me choque pas, surtout quand on voit le parcours de Paul Hansen. Il ne s’est pas pointé comme une fleur avec son iPhone et Instagram pour faire cette photo 😉
Il suffit d’aller faire un tour sur le site de Paul Hansen pour voir que le bonhomme mérite largement son prix. Quel travail !!!
On se fout bien de la retouche (tant qu’elle ne concerne que des éléments qui pourraient être réalisés en chambre noire, pour faire simple). Cette image nous parle, elle ne cache rien, elle ne ment pas.
Donc wow! et bravo !
C’est juste. ce n’est pas un photomontage, les gens n’ont pas posé pour la photo. Il a su capturer un instant de vie… et de mort… et en proposer une belle interprétation!
Bien sur qu’il mérite son prix, tout simplement parce sa photo respecte les règles du concours.
Après, il s’agit plus d’une question d’éthique que de simple post-traitement. Il a capté une scène très forte en émotion, mais bien plus forte en réalité qu’en cliché. Lui, sur le terrain, a forcément été bouleversé par cette scène. Nous, devant notre écran, le cul dans le canapé, notre émotion sera bien moindre. Je suppose donc que le photographe a choisis de post-traiter sa photo pour faire passer les émotions qu’il a eu sur le vif.
Certes, la photo en elle même est « belle », proche d’un rendu HDR comme tu le dis Marc. Mais cela permet de faire en electro-choc ! La photo d’origine, sûrement sombre, ne permettrai pas de bien voir tous les détails.
Personnellement ça ne me choque pas.
Au dernière nouvelle (dixit la matinal de canal de hier) il semblerait que la polémique vienne du fait que la retouche va un peu plus loin que le traitement, mais que la photo aurait subit une petit « chirurgie » sur les enfant pour accentué leur « visage triste » avec cette fois une réelle transformation.
Alors, je ne sais pas à quel point c’est vrai, à quel point est retouché cette photo.
Pour moi, le principal c’est qu’elle fasse passé un message sans dénaturé les « faits ».
Et si pour cela il faut toucher la souris pour sensibiliser les gens à ce genre de conflit, je ne vois rien à y redire.
Mais bien entendu, on surf un peu avec les règle de l’éthique dans ce cas précis!
Effectivement Darth, si ça va jusqu’aux modifications physiques des personnages de la scène, là ça va trop loin !
Mais dans le doute…
C’est certain que s’il a modifié physiquement la photo (genre outil « déformation » dans Photoshop, on va au delà de la mise en valeur d’une photo et pour moi ce n’est pas acceptablepour ce type d’images…
J’ai eu l’occasion de voir la photo dans sa résolution native, et effectivement, il semblerait qu’il y ai pas mal de petites retouches mineures sur les visages des premières personnes du cortège (mineures mais quand même visibles).
Après, selon moi, une photo raconte une histoire, un journaliste raconte des faits et photoshop transforme la réalité. Je ne dit pas qu’il ne faut pas développer ses photos de presse, mais qu’il faut malgré tout rester dans une notion de réalisme pour être crédible.
La ruelle était sombre ? C’est une information qui peux nous amener à nous poser d’autres questions tel que : pourquoi passent-ils par une petite ruelle sombre pour un cortège funéraire, pourquoi ne pas avoir choisis les axes principaux de la ville ?
Ce qui me surprend le plus, c’est que par le passé, des photos avec un post-traitement aussi poussé que celle-ci ont été refusés par le jury du WPPA…
Je trouve la photo très réussie et très forte, tant sur le fond que la forme. L’auteur mérite amplement son titre à mon avis.
Tant que la retouche n’est pas excessive, cela ne me formalise pas. Pis je trouve les « journalistes » de Télérama (qui ont tapé fort sur l’auteur) sacrément gonflés de s’offusquer et de venir donner des leçons, bien au chaud dans leurs bureaux parisiens :-/
C’est clair! Mais bon on peut aussi donner son avis depuis un fauteuil tant qu’on parvient à critiquer sans « casser » 😉
Retour de ping : La photo primée au World Press Photo est-elle trop belle? | Marc Charbonnier | Photographes et blogueurs | Scoop.it
Cette photo est très forte, on ne peut pas rester insensible, elle touche beaucoup et là je pense qu’on est tous d’accord. Je pense aussi qu’il n’y a pas à discuter, il mérite son prix, d’ailleurs il suffit d’aller voir son site pour s’en rendre compte, ce photographe est vraiment un photographe de terrain.
Cependant, je trouve effectivement que la retouche se voit beaucoup, et pour une « photo de presse » c’est presque trop à mon goût, car ça donne un côté théatral qui n’est pas le but de la photo dite de presse.
De là à en faire une polémique… ce qui est sûr, c’est qu’on en parle 🙂
Merci pour ton com’ Lucie! C’est vrai que le coté théatral est assez inhabituel pour ce type de photo. Même le cadrage au 16mm est peu courant. On est souvent à des focales plus longues.
Retour de ping : La photo primée au World Press Photo est-elle trop belle? | Marc Charbonnier | Liens Sauvages | Scoop.it