Comme pour d’autres photographes que je présente ici, je ne connais pas du tout Dominique Hermier. Mais, il fait partie des gens que je suis avec plaisir sur Twitter… et surtout Dominique pratique, entre autres, une discipline qui me fascine: l’urbex. L’urbex, c’est une contraction d' »Exploration Urbaines ». Les photographes qui pratiquent ce type de photographie, explorent des zones, batiments, maisons abondonnés et les prennent en photo. J’aime beaucoup ce genre d’image, elle me renvoie à mon enfance, quand avec des copains nous allions explorer nous aussi des endroits abandonnés et interdits! Je me souviens notamment d’une clinique qui avait été « déplacée ». Nous avions trouvé une petit fenêtre ouverte et nous l’avions explorée… terrible!! Dommage de ne pas avoir été photographe à cette époque!
Trêve de bavardage! Je vous laisse en compagnie de Dominique!
Bonjour Dominique, Qui es-tu? En dehors du photographe que nous découvrons aujourd’hui 😉
Je suis un Normand de 48 ans, graphiste indépendant depuis 20 ans cette année, et passionné d’images quels soient les médiums.
Peux-tu nous raconter comment tu as commencé la photo?
J‘ai commencé la photo en Ateliers Beaux-Arts lorsque j’étais étudiant. J’ai chipé le 6×6 à mon père, pour faire des rolls et des rolls de photos noir et blanc. Il y avait un labo, j’ai commencé véritablement la photo par la partie labo.
Ensuite, j’ai eu un Nikon EM argentique, que j’ai usé jusqu’à la moelle. Beaucoup de diapos, des recherches de textures, de couleurs, des photos de rue, pour avoir ma propre banque d’images dans laquelle puiser pour peindre. J’ai peint à l’aérographe des toiles photographiques réalistes, souvent d’après mes photos – ou portions de photos – pendant des années (24 expos peinture), tout en commençant mon travail de graphiste, puis d’infographiste indépendant…
Quand est-ce devenu une passion?
C’est devenu une passion quand je me suis rendu compte quand je prenais plus de plaisir à faire mes clichés plutôt que peindre. Il faut dire que peindre et photographier sont exactement opposés : quand on peint, c’est souvent une introspection et on part d’une surface blanche que l’on remplit. La photo est exactement le contraire, on travaille au dehors, souvent en confrontation avec le monde, et on doit puiser dans le chaos disponible pour y soustraire des histoires, des lieux, des instants… J’ai donc rangé les brosses, ai gardé la partie graphique seulement pour le professionnel, et ai cloisonné mon activité pour me garder ce jardin secret-passion – pas si secret – qu’est la photo.
Qu’est ce qui te procure le plus de plaisir dans la photographie?
Je crois que l’un des plaisirs de la photo, c’est de pouvoir ramener des images sans idées préconçues, ou de trouver des idées nouvelles, mais aussi de permettre de rentrer dans des lieux inconnus, de favoriser les rencontres avec les gens et de partager avec tous. Comme la musique, la photo est un langage universel.
Faire des photos, c’est mélanger pleins de sensations : voyager, observer, cadrer, jouer, créer…
Au delà de la photo, on peut se servir d’un appareil pour construire une œuvre, pour trouver son style.
Autant peindre a été parfois une souffrance pour moi, une certaine frustration aussi (peut-être trop perfectionniste), autant la photographie est quelque chose de joyeux, de communicatif et jubilatoire.
Et le plus de difficultés?
La grande difficulté pour moi est de me canaliser. J’ai un mode de pensée sous forme d’arborescence, avec associations d’idées. Ça veut dire que ça part souvent dans tous les sens. Je fais beaucoup d’images chaque année, et je pense que la difficulté réside dans le trop plein d’idées. Une sorte de boulimie sans fin. Je ne vais pas me plaindre non plus… C’est la raison pour laquelle je me suis fixé trois thèmes de prédilection, mais c’est encore trop. Je ne peux pas moins… C’est une étape, car certaines idées au labo vont déboucher sur des créations plus personnelles…
Quels sont tes styles de photos favoris? Chez les autres…. et chez toi…
Chez la jeune génération, j’aime bien en ce moment le travail de Julie de Waroquier qui propose des images oniriques de toute beauté (je suis un grand rêveur). J’aime aller à Paris Photo chaque année pour découvrir de nouveaux points de vue ou des auteurs que je ne connaissais pas (par exemple Edgar Martins)
Chez les maîtres, j’aime la photo situationniste (Eggleston, Shore et bien sûr Winogrand), mais aussi celle qui change notre point de vue de manière amusante (Josephson en particulier). Enfin j’aime celle qui dérange (Diane Arbus, Anders Petersen)
En ce qui concerne mon travail et ma production photo, j’ai trois thèmes récurrents, sur lesquels j’avance en parallèle :
– la photo de rue (j’aime le contact, la vie urbaine et son théâtre),
– la photo de lieux à l’abandon (j’aime explorer et la certaine poésie de ces lieux),
– et la photo expérimentale (mon côté plasticien et laborantin).
Sur ton site, on peut découvrir tes photographies d’urbex. Peux-tu nous parler de cette discipline et nous dire comment se passe le repérage, les choses à savoir pour pratiquer?
Je pratique la photo urbex depuis 2006 environ. Trouver les premiers spots n’a pas été chose facile, car comme l’amateur de champignons, ceux qui savent ne donnent pas la source de leurs trésors. J’ai alors contourné le problème en trouvant quelques spots même modestes, qui ont servi de « monnaie d’échange », ensuite, c’était plus simple et plus aisé de partager avec d’autres urbexeurs.
Il existe deux sortes d’explorations : celle qui ont nécessité une demande d’autorisation, et celles plus sauvages. Ces dernières sont la majeure partie des explorations…
Le repérage s’effectue grâce à internet principalement (mais il faut bien chercher, rares sont les indices clairs) mais aussi sur l’expérience de gens qui sont passés avant vous.
Attention aux sites style hôpitaux abandonnés, souvent truffés d’alarmes connectées à la BAC, les sites industriels sont parfois gardés car les risques de blessures sont présents, les autres sites sont tous différents et à étudier au cas par cas. La prudence est de mise, ces sites sont tous potentiellement dangereux.
Blessures au moment de l’exploration : coupures, trous, chutes de tuiles, de verre, électrocution etc, et celles plus insidieuses : la pollution. Certains sites sont pollués au pylalène, à l’amiante, au PCB, voire aux radiations. Il faut se renseigner sur ces sites pour ne pas mettre sa santé en danger.
Il n’est pas rare non plus de croiser des « collègues », c’est le moment d’échanger quelques pistes pour de nouvelles photos…
Peux-tu nous présenter un peu ton matériel photo? Et pourquoi un tel équipement?
Plusieurs types de matériel pour des styles de photo différents :
Urbex : Un Reflex Canon 550D + une focale fixe f2.8, idéal pour mon usage semi-pro
Photo de rue : Un Lumix TZ30 ou Fuji X100 pour plus de discrétion, mais j’aimerais bien un Sony RX1… enfin, là je rêve un peu.
Photo expérimentale : Polaroid Land 250, Lomo LCA, Reflex, Lumix, tout est bon.
Quels conseils donnerais-tu à un photographe débutant?
Trois conseils :
• Etre curieux et aiguiser son regard en permanence (expo, magazine, lecture d’images, etc)
• Intégrer un club photo. Bon moyen d’apprendre rapidement en se faisant aider.
• Produire, produire, produire
Quelle est la place du photoblog dans ton travail photographique?
J’ai deux blogs. Le premier est un blog laboratoire, une sorte de nid à idées pour mes dessins, collages, photos expérimentales ou photos-tests…, c’est mon calepin numérique sur Tumblr, une bonne plateforme de partage.
Le deuxième est un blog portfolio, plus officiel, monté sous WordPress, qui montre des portfolios complets sur le thème Urbex, agrémentés de textes, mais aussi les expos passées et à venir. Je commence doucement à y glisser des images de photos de rue.
Je suis aussi sur Twitter depuis presque 6 ans, et sur facebook depuis moins de deux ans pour partager avec mes amis virtuels, photographes, graphistes ou juste gens sympas.
Comme on peut le constater, publier des images ou des textes est donc très présent dans ma démarche. Montrer, partager, tester…
Peux-tu nous parler de tes projets photographiques?
Je travaille en ce moment sur ma prochaine expo qui devrait se dérouler dans ma ville, en mars prochain. J’ai carte blanche. L’an dernier, j’y ai exposé des photos urbex en très grand format (environ 1,5m de côté) et cette expo est ensuite partie à Granville, puis à Paris.
Là, il va s’agir d’autre chose, probablement des photos de rue, mais j’ai plusieurs pistes en chantier, je suis en train de choisir quelle facette de mon travail dévoiler en grand format.
Je commence à exposer mes images et les vendre depuis 2 ou 3 ans avec le souhait de voir pousser ce projet photo le plus loin possible (voir sur le site portfolio, rubrique Expos) en parallèle de mon activité de graphiste. La photo nourrit mon travail de graphiste comme mon travail de graphiste nourrit la photo, c’est devenu une boucle parfaite.
Et pour terminer, peux-tu nous présenter ta photo préférée et nous raconter son histoire?
J’ai beaucoup de photos préférées, c’est très difficile de choisir.
Si je peux en choisir deux, je choisi ce sanatorium perdu dans une jungle végétale, où j’ai longé un ruisseau qui traversait une grande forêt, à flan de coteau, puis passé deux clôtures pour y arriver.
Des bâtiments derrière étaient occupés, avec des chiens. Le lieu convoité était visiblement sous alarme, mais j’ai réussi à ne pas chatouiller les fils malgré les scotchs Police partout sur le site… J’ai appris en rentrant que c’est un lieu d’entrainement de la BAC, parfait pour finir en GAV…
La deuxième a été prise à Bratislava, elle fera partie de ma sélection de photos de rue pour un projet de livre et d’expo (peut-être en mars, donc). Elle fait partie d’une sous-série de photos « penchées », fruit de mon travail de laboratoire. A noter qu’il n’y a aucun redressement d’image sur cette série de photos « penchées »
Un dernier mot?
Je retouche le moins possible mes images. Mon repère, c’est la minute. Ne pas passer plus d’une minute par photo en retouche. Sauf si on crée des images plastiques comme Waroquier par exemple… Soigner les cadrages, la lumière au moment de la prise de vue évite de passer trop de temps derrière un écran. Même si la retouche – je préfère dire l’optimisation – des images est aujourd’hui incontournable avec le numérique, il serait malgré tout dommage de ne pas passer le plus de temps possible à la recherche d’idées, aux repérages, de profiter de la lumière avec gourmandise, plutôt que de rattraper des images sur ordinateur. Je préfère le terrain, le concret.
Pour suivre l’actualité de Dominique Hermier:
Site pro : http://design-graphique.fr
Portfolio : dominique-hermier.com
Sa page Facebook
Son compte Twitter
À bientôt pour une nouvelle interview 😉
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J’aime beaucoup la photo Sanatorium.
Et quand on voit les efforts déployés pour la prendre ça ne donne que plus de mérite !
Moi aussi, j’adore cette photo! Et effectivement, certaines photos se méritent et ont d’autant plus de saveur 😉