Depuis que je pratique la technique Strobist (éclairage au flash déporté) je me suis équipé progressivement de divers modificateurs ou modeleurs de lumière. En effet, si on peut tout à fait commencer avec un simple flash cobra commandé à distance (via le système du boitier comme avec certains réflex Canon, ou avec des transmetteurs radio comme les Yongnuo 622 que j’utilise au quotidien), on se retrouve vite frustré quand on veut donner un autre aspect à la lumière artificielle qui vient éclairer nos modèles préférés.
Pour ceux qui ne connaissent pas trop l’éclairage en photographie il est peut-être bon de rappeler une des règles de base :
Plus la taille apparente de la source de lumière par rapport au sujet est grande, plus l’éclairage est doux : la notion de dureté s’apprécie en fonction de la transition lumière/ombre . Si la transition est franche, on dit que la lumière est dure si elle est plus diffuse on dit qu’elle est douce.
Cette règle appelle quelques précisions :
On parle bien de « taille apparente » par rapport au « sujet » : elle est donc influencée par la taille absolue (qu’on peut mesurer) mais aussi par la distance entre la source et le sujet. Ainsi un flash muni d’un parapluie qui serait placé à 1m du sujet donnera une lumière plus douce que celle d’un flash avec le même parapluie qui serait placé à 3 m du sujet (à puissance égale – mesurée avec un flashmètre)
Autre exemple qui parlera à tous : le soleil a beau être une énorme étoile, la distance terre-soleil est telle qu’il nous apparait « petit » dans le ciel. Ce qui explique que par beau temps, les ombres portées soient très dure : la transition lumière/ombre est franche. Par contre, par temps gris, les nuages agissent comme un immense diffuseur. La lumière est moins forte mais d’une taille exceptionnelle ! La lumière est douce, les ombres peu marquées. C’est d’ailleurs une excellente chose de pratiquer l’art du portrait lorsque le temps est couvert 😉
Appliquée à la photographie, cette règle est très utile pour obtenir différentes ambiances grâce à des accessoires tels que les parapluies, les softboxes mais aussi les réflecteurs de taille différente. Il faut bien réaliser qu’en valeur absolue, la surface lumineuse d’un flash cobra est d’environ 25cm2 contre 3600cm2 pour une softbox de 60x60cm, soit 144 fois moins !
Alors évidemment on peut rapprocher le flash « nu » du sujet mais on n’obtiendra jamais une « surface apparente » identique proche de celle que l’on aurait avec la softbox placée à un mètre du sujet par exemple.
Ceci étant dit, voyons plus en détail l’objet de mon comparatif :
L’idée de départ est de comparer le rendu des différents modeleurs que j’ai en ma possession, soit :
- Un parapluie blanc 100cm de diamètre utilisé comme diffuseur
- Un parapluie blanc 100 cm de diamètre utilisé comme réflecteur
- Un parapluie argent de 90cm
- Un parapluie 170cm utilisé comme diffuseur
- Une petite softbox de XX Cm
- Une octabox de 80cm
- Une octabox de 80cm avec grille « nid d’abeille »
- Un bol beauté avec un diffuseur
- Et évidemment… le flash nu comme point de départ !
Conditions du test :
Pour cette « expérience », j’ai réglé mon boitier (Canon EOS 6D et Tamron 24-70mm f/2.8) en mode manuel avec les paramètres suivants :
- Sensibilité : ISO 100
- Vitesse d’obturation : 1/160ème
Mon flash, un Yongnuo YN568EX, était lui aussi réglé en mode manuel, pleine puissance, commandé par mes transmetteurs Yongnuo YN622C.
Evidemment, mon appareil était sur un trépied et mon modèle est resté au même endroit pendant tout la séance.
Un seul paramètre était variable : l’ouverture, l’idée étant de mesurer la perte de puissance éventuelle en passant d’un modeleur à l’autre. J’ai essayé de respecter la même distance sujet/source de lumière mais j’ai oublié de prendre un mètre pour mesurer avec précision. Et comme les modeleurs ont des formes différentes, ce n’est pas évident de garder cette distance identique. On prendra donc les pertes de puissance avec des pincettes, mais on ne doit pas être très loin de la réalité.
Pour mesurer la juste exposition (et donc l’ouverture nécessaire) j’ai utilisé mon flashmètre (SEKONIC L-308S) seule solution pour ne pas faire une expo « à l’œil » et donc pas forcément très précise.
En fonction de ce que m’indiquait le flashmètre, je jouais avec l’ouverture pour obtenir une exposition correcte. On peut ainsi comparer la perte de puissance due au modeleur utilisé : par exemple si en changeant d’accessoire, j’ouvre plus d’un diaphragme (disons de f/5.6 à f/4), c’est que le nouveau modeleur m’aurait fait perdre la moitié de la puissance que j’avais avec le précédent.
Enfin, petite précision supplémentaire : j’ai utilisé tous les modeleurs positionnés au même endroit par rapport au modèle. (45° en hauteur et 45° sur le côté). Dans la réalité on le place en fonction du rendu que l’on veut, c’est différent pour chaque photo. Par exemple, approcher un parapluie à quelques centimètres du modèle permet d’obtenir une image très douce. Pour le bol beauté on l’utilise beaucoup plus « en douche » devant le modèle, au-dessus de son visage que sur le côté. Bref, ce test donne un point de comparaison mais ne saurait être un mode d’emploi pour utiliser correctement chaque modeleur 😉
Voici maintenant les images, qui seront plus parlantes que de longs discours ! N’hésitez pas à cliquer sur les photos pour les voir en plus grand 😉
Le flash nu
C’est la configuration de base: un seul flash cobra sans aucun accessoire pour diffuser sa lumière. Comme on pouvait s’y attendre, au regard du principe de la « taille apparente » le résultat est sans appel : la lumière est très dure. On voit l’ombre du modèle, au sol, comme une ombre chinoise. Sur le visage, même constat, les transitions lumière/ombre sont très courte (voir l’ombre formée par le nez par exemple).
La concentration de l’éclairage sur le modèle est facile à obtenir comme ici en réglant le zoom du flash sur une valeur élévée (105mm par exemple). A l’inverse si on veut éclairer plus large on pourra régler le zoom de la tête de flash sur une valeur plus basse, jusqu’à 24mm.
Ouverture : f/13
Un parapluie blanc 100cm de diamètre utilisé comme diffuseur
La taille apparente de la source de lumière étant passablement plus important, le rendu est très différent. L’ombre du modèle, projetée en arrière- plan est beaucoup plus diffuse. Sur le visage, même constat, la transition lumière/ombre est beaucoup plus douce.
Concernant la concentration de la lumière sur le sujet, le parapluie blanc est inadapté. Par sa forme, sa couleur et son utilisation, le parapluie diffuse assez largement la lumière.
Ouverture : f/8
Un parapluie blanc 100 cm de diamètre utilisé comme réflecteur
Même accessoire que le précédent mais utilisé un peu différemment.
Donne un rendu très proche comme on peut le voir. Personnellement, je l’utilise très peu dans ce sens. On perd une partie de la puissance du flash … qui éclaire en arrière par rapport au modèle. A moins qu’on veuille illuminer le studio ça ne présente pas vraiment d’intérêt. D’autant plus qu’on pourra approcher beaucoup plus le parapluie du modèle en utilisation diffuseur… et donc augmenter la taille apparente.
Ouverture : f/6.3
Un parapluie argent de 90cm
Encore un parapluie, mais celui-ci est prévu pour être utilisé uniquement comme réflecteur. Il existe aussi en version « or » pour obtenir une lumière plus chaude. Par rapport au parapluie blanc utilisé dans la même configuration, la lumière est beaucoup plus concentrée et les transitions lumière/ombre légèrement plus dure (mon parapluie argent est un peu plus petit que le blanc en plus). Cela se voit peu sur le visage mais bien mieux au niveau de l’ombre de la pointe col sur le cou.
Le contraste est également plus important avec le parapluie argent qu’avec le blanc.
Note de test : l’orientation de mon parapluie argent était un peu trop « plongeante ». D’où un éclairage un peu trop concentré sur les jambes.
Ouverture : f/6.3
Un parapluie 170cm utilisé comme diffuseur
C’est mon plus grand modeleur : De la taille d’une personne adulte, je l’utilise souvent quand j’ai des petits groupes à photographier.
Comme on pouvait s’y attendre le rendu est très doux, la source de lumière étant très grande, la lumière très diffuse sur toute la scène. C’est au niveau du visage qu’on peut mieux voir cette douceur (ombre du nez). Inconvénient de ce diffuseur, il faut installer 2 ou 3 flashs cobra pour avoir une puissance suffisante en extérieur.
Ouverture : f/8 (attention pour la comparaison, il y a ici 2 flashs à pleine puissance donc plutôt équivalent à f/6.3 avec un seul flash)
Une petite softbox de 40×40 cm
Une petite softbox que j’utilise en soirée ou pour des portraits « mobiles ». On voit une ombre portée qui se dessine bien, moins qu’avec le flash nu mais plus qu’avec un parapluie par exemple. Idem pour la pointe du col. La lumière est plus dirigée vers le sujet : on découvre là le grand avantage des softbox par rapport aux parapluies. L’essentiel de la lumière est concentrée sur la zone carrée, rectangulaire, ronde ou octogonale qui la diffuse, à l’avant de la boite.
Ouverture : f/6.3
Une octabox de 80cm
C’est la grande sœur de la précédente. La surface est d’environ 5000cm2 contre 1600 pour la softbox de 40x40cm. A distance égale, la surface apparente est donc 3 fois plus grande et cela procure donc une lumière un peu plus douce (nez/silhouette/pointe de col notamment).
Cette douceur a un prix puisqu’on est obligé d’ouvrir à f/5.6 pour obtenir une bonne exposition dans cette mise en scène. En effet cette softbox est en fait un parapluie « argent » recouvert d’un diffuseur : à chaque rebond ou traversée de diffuseur on perd inévitablement de la puissance.
Ouverture : f/5.6
Une octabox de 80cm avec grille « nid d’abeille »
Même configuration mais une grille en tissu est placée devant le diffuseur de la softbox. L’intérêt est de concentrer encore plus la lumière « canalisée » par les trous de la grille. La lumière reste douce mais centrée sur le modèle. Le contraste est censé être un peu plus élevé avec la grille mais je suppose que la mienne n’a pas cette propriété-là…
Ouverture : f/5.6
Un bol beauté avec un diffuseur
Dernier accessoire : le bol beauté. Plutôt à titre indicatif car rarement utilisé dans cette configuration. Je l’équipe d’un diffuseur, ayant des problèmes de points « froids » (ma tête de flash ne rentre pas assez dans le bol). On se retrouve donc avec un modeleur qui se rapproche de la softbox octogonale avec un diamètre de 56cm (donc plus petit que la softbox de 80cm). Le rendu est donc logiquement un peu plus dur.
On note une grosse perte de puissance, 2 fois moins de lumière qu’avec la softbox, en raison de la conception même du bol beauté : le flash se reflète sur une sorte d’assiette qui renvoie la lumière dans le bol. Cette lumière traverse ensuite le diffuseur fixé dessus.
Ouverture : f/4.5
Conclusion :
Comme on peut le voir, les rendus sont relativement variés. Et même s’il n’est pas utile d’avoir tous les modeleurs disponibles, en posséder quelques-uns permet une plus grande polyvalence en termes d’éclairage. On aurait en citer d’autres comme le « snoot », une sorte de tube, que l’on peut d’ailleurs faire avec une simple feuille de carton, qui va concentrer la lumière, idéale pour éclairer les cheveux par exemple. Il existe également des softbox de taille et forme différentes qui ont chacunes leurs avantages.
Ne pas oublier également que suivant les marques (et la qualité de conception et de fabrication) le rendu peut différer un peu.
On me pose souvent la question : quels modeleurs acheter pour commencer ?
Je dirai que les parapluies restent le meilleur moyen de commencer, notamment les blancs qui sont relativement neutre et dont la douceur convient à beaucoup de shooting. Dans 90% des cas, c’est ce que j’utilise. Vient ensuite le parapluie argent qui donne de la pêche au portrait. Quant au parapluie couleur « or », je trouve qu’à part en extérieur avec du soleil en fin de journée, sa dominante orangée est vite un problème.
Sinon, la boite à lumière, que j’utilise de plus en plus depuis que j’ai mon trépied girafe (car je peux l’orienter à ma guise) reste mon modeleur préféré. Même si je préfère shooter en extérieur qu’a l’intérieur, on évite les lumières parasites qui se reflètent sur les murs.
Enfin, pour terminer n’oubliez pas qu’au-delà du choix du modeleur la position et la distance-lumière sujet ont une grand influence sur la qualité de l’éclairage que vous allez obtenir. C’est ce que nous verrons dans un prochain article!
Avant de vous laisser une petite photo extraite du shooting que nous avons fait après ce long moment de test. Eclairage: Octabox avec grille nid d’abeille et lumière du jour.
Et si vous avez des questions, remarques, n’hésitez pas à nous en faire part dans les commentaires!
Très sympathique article, il permet de bien appréhender les différences de rendu 🙂
J’ai justement commandé hier un parapluie blanc assez petit mais surtout pas cher du tout (4€) pour pouvoir tester cet usage, je compte me trouver une solution pour y fixer mon tout petit flash Fuji EF-X20 comme ça l’ensemble pourrait facilement être tenu et orientable par un assistant ^^
En tout cas je confirme qu’avoir juste un flash, c’est déjà bien, mais on sent vite le manque des diffuseurs ^^
C’est sur que le petit flash du Fuji va devenir plus intéressant avec un parapluie. Bon il n’est pas très puissant non plus et tu perdras quand même environ 1.5 stops avec le parapluie, faudra monter les ISO… mais sans problème pour le X100s 😉
Il fut un temps ou il n’était pas évident de trouver de tels comparatifs, aujourd’hui on commence en voir et donc à comprendre pourquoi il y a une telle multitude de modèles.
Perso quand j’en cherchais un on m’a conseillé un parapluie blanc/argent qui permet d’être utilisé en diffuseur (blanc) et réflecteur (argent). il me manque une BAL car le gros défaut du parapluie c’est d’éclairer dans tous les sens et parfois dans les « petits studios » on manque de recul pour contraster le sujet et l’arrière plan.
Et oui, la BAL est vite addictive quand on y a goûté 😉
Je n’y connais rien en flash car je ne photographie qu’en lumière naturelle. Article bien intéressant!
trés bon article et les photos montrent bien les différences selon le matériel utilisé. Par contre rien concernant la possibilité d’utiliser des reflecteurs à l’opposé de la source de lumière afin d’éviter les ombres du nez par exemple.Pouvez vous nous apporter vos lumières sur ce sujet ??
Le seul comparatif que j’ai pu trouver sur l’incidence des différents modeleurs sur l’expo au flash: très bien expliqué,j’ai reproduis en shooting tes diaphs mesurés avec des configurations de modeleurs identiques et les résultats sont vraiment concluants,à défaut de posséder soi-même un flasmètre.Encore merci,Marc.