Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas publié d’article dans la catégorie Question d’Internaute. C’est un mail de Jean-Louis, avec une question intéressante qui m’a donné envie de proposer une réponse « publique » pour que tout le monde en profiter.
Bonjour Marc,
Je reviens de vacances et j’ ai quelques questions à vous poser
Je posséde un hybride FUJI XE2 et j’ ai pris l’ objectif 18/55 mm
Voila je viens de m’ apercevoir que malheureusement j’ai des photos en contre-jour et des blancs cramés
Je fais des trecks et il m’ est très difficile de me mettre en mode MANUEL et là tout est en AUTOMATIQUE.
J’ aimerais que vous me conseillez pour ce genre de problème, et si je dois me mettre en AUTOMATIQUE ou en MANUEL, quels réglages je dois faire
Dans l’ attente de vos réponses
Cordialement
JEAN-LOUIS
Voici deux photos envoyées par Jean-Louis pour illustrer sa question:
Cette question fait aussi écho au « défi » technique que j’ai dû relevé lors d’un shooting mariage. En effet, celui-ci se déroulait exclusivement en plein air, par une très belle journée ensoleillée, au mois d’août. Pour le confort des invités le repas avait lieu sous de grands arbres, dont l’ombre couvraient une bonne partie du lieu de la fête… mais ce qui n’empêchait pas le soleil d’illuminer largement certaines tables ou espaces dévolus au repas. Bref, 5 heures de shooting entre ombres et lumières. Le cauchemar pour qui ne se prépare pas à ce type de situation. Je vous dirai plus loin comme je procède pour obtenir quand même de bonnes photos.
La question de la dynamique
Je ne vais pas rentrer dans des explications techniques qui n’aideraient pas à la compréhension du problème. Imaginez plutôt que vous regardez une scène très contrastée (avec des zones très clairs et d’autres très sombres). Vous êtes dans un chalet, au centre d’une pièce sombre éclairée seulement par une petite fenêtre. Par cette fenêtre, vous regardez votre enfant dehors dans la neige, en train de faire un joli bonhomme de neige. Malgré l’importante différence de luminosité vous voyez à la fois votre enfant dehors (zone très lumineuse) et l’environnement dans lequel vous êtes (environnement sombre). Maintenant prenez votre smartphone préféré et prenez une photo incluant la fenêtre et une partie de la pièce dans laquelle vous vous trouvez. Vous regardez cette photo et là… grosse déception. En général, soit vous avez une tache blanche au milieu du mur situé en face de vous, soit vous voyez votre enfant jouer dehors encadré d’un grand rectangle tout noir.
Vous venez de faire l’expérience de la dynamique du capteur de votre appareil photo. La dynamique On admet que l’oeil a une dynamique d’au moins 24 IL alors que votre smartphone ne dépasse probablement pas 8-10IL. L’oeil humain peut encaisser des écarts de contraste de plus de 1:16 000 000 alors que le capteur du Fuji X-E2 de Jean-Louis possède une dynamique de 12 IL à 100iso soit un écart de contraste de 1:4096. Impossible donc de rivaliser avec l’oeil humain… d’où la déception de la plupart des photographes lorsqu’il sont confrontés à une scène très contrastée, de type contre-jour.
Je vous invite à lire cet article ou celui-ci pour plus de détails techniques.
http://www.blog-couleur.com/?Qu-est-ce-que-la-plage-dynamique
Retenez simplement que votre appareil ne PEUT PAS photographier des scènes très contrastées dont les écarts de luminosité dépassent les capacités physiques du capteur.
Revenons maintenant à la question de Jean-Louis. En résumé, il me demande comment prendre de bonnes photos dans des conditions de lumière difficile, quels réglages adopter et s’il doit travailler en manuel ou en automatique.
Etape préliminaire:
Je n’avais pas pensé à ce point en commençant la rédaction de cet article mais vérifiez que vous avez le dernier firmware d’installé dans votre boitier. En regardant les EXIFs des photos de Jean-Louis, je me suis aperçu qu’il était resté au firmware 2.10. Sur le site de Fuji, on trouve un firmware 3.01. Il n’y a peut-être pas de lien entre des photos « ratées » et un firmware, mais il arrive que des mises à jour améliorent les performances des boitiers, surtout chez Fuji.
1ère étape : accepter que l’appareil photo a des limites !
Cela parait évident dit comme ça, mais à partir du moment où l’on sait que la dynamique du capteur est limitée… on rate moins de photos et on fait le deuil de certaines scènes qui paraissent jolies à l’œil. Accepter aussi que certaines zones soient « bouchées » et d’autres « crâmées ». Parfois, il vaut mieux avoir un ciel tout blanc que gris ou délavé.
2ème étape : faire des choix.
C’est la phrase que je dis le plus souvent à mes élèves. La photo, c’est 99% de choix, 1% de hasard. On peut se laisser porter par le mode automatique (qui va faire les choix pour le photographe) ou on peut décider de prendre la main sur ses images. Dans notre exemple vous pourrez avoir votre enfant bien exposé et vous ne verrez pas vraiment l’intérieur du chalet… ou bien vous privilégiez l’exposition de la pièce et on ne verra pas votre bambin jouer dans la neige. C’est dommage mais c’est ainsi. Heureusement, il y a des moyens d’arriver à ses fins, mais nous verrons cela plus loin.
3ème étape : utiliser le mode manuel
C’est le plus simple : en mode manuel, vous ajustez l’ouverture, la vitesse d’obturation et la sensibilité (iso). C’est donc vous et vous seul qui ferez des choix d’exposition. On peut aussi utiliser un des modes priorité (ouverture ou vitesse) en décalant l’exposition si nécessaire (en général la fonction est accessible par un bouton orné d’un pictogramme noir et blanc avec un + et un -) dessus. En mode manuel, vous pourrez faire des essais en fonction du résultat recherché.
Astuce : choisissez dans la mesure du possible une sensibilité basse (100-400iso) pour garder une certaine latitude en post-traitement : on verra qu’il est possible de récupérer des informations dans les zones très claires ou très foncées.
4ème étape : utiliser le format RAW .
J’avais écrit un long article sur la différence entre le format RAW et le format JPG. A l’époque j’avais oublié de dire que format JPG limite la plage dynamique du capteur avec un encodage sur 8 bits/couleur (2^8 soit 256 niveaux), le format RAW utilise la plupart du temps un encodage sur 12 bits (2^12 soit 4 096 niveaux) ou pour les modèles d’appareils sur 14 bits (2^14 soit 16 384 niveaux) . Le format RAW offre donc une bien meilleure plage dynamique.
Pour plus d’informations: http://www.kolor.com/wiki-fr/Dynamique_d’une_image
5ème étape : prendre la photo
Faites plusieurs essais, ce type d’image reste difficile à réaliser même en ayant l’habitude. Et selon votre choix de départ, des ajustements en termes de réglages seront probablement nécessaires pour obtenir le rendu souhaité… ou abandonner l’idée si nécessaire 😉
6ème étape : contrôler la photo
Sur tous les reflex/hybrides et sur certains compacts vous avez accès à l’histogramme. Il vous permet de contrôler la bonne exposition de votre image. Evidemment dans notre situation, il y aura forcément des zones cramées (plus d’informations dans les hautes lumières – tout est blanc) ou des zones bouchées (plus d’informations dans les basses lumières). Sur l’histogramme, cela se traduit par des « crêtes » qui touchent le somme du graphique à droite pour les hautes-lumières, à gauche pour les basses lumières). Vérifier que vous n’avez pas des zones bouchées et des hautes lumières qui ne seraient pas assez « à droite » et inversement. Ce serait dommage de ne pas utiliser toute la dynamique du capteur pour le coup.
Sur certains boitiers, les zones surexposées sont mise en évidence par un clignotement noir et blanc à la lecture de l’image par exemple. C’est utile mais moins précis que l’histogramme. L’alerte de surexposition est souvent un peu pessimiste.
Dans notre exemple, voici les histogrammes correspondant aux photos « ratées »:
La partie à droite de l’histogramme indique que la photo est surexposée
idem pour cette photo
Sur une autre photo non surexposée envoyée par Jean-Louis on remarque que l’histogramme n’a pas ce pic à droite, elle aurait même pu être plus exposée (trou à droite de l’histogramme)
7ème étape : traiter sa photo avec un logiciel de dématriçage RAW
Pour peaufiner l’image, c’est une étape incontournable. Les fichiers RAW contiennent souvent plus d’information dans les basses et hautes lumières que ce que l’on obtient avec un fichier JPG ou sur l’image qui apparait sur l’écran de l’appareil photo. Que ce soit avec Lightroom, Capture One ou DxO Optics Pro, on peut récupérer des détails dans les ombres et les zones claires. Il serait dommage de s’en passer.
Pour illustrer mes propos, j’ai pris une de mes photos, au format RAW, surexposée, et j’ai appliqué la fonction (récupération des) Hautes Lumières et Blancs dans Lightroom. Il reste une zone un peu blanche mais j’ai quand même récupéré du bleu dans le ciel.
Avant/Après
Pour aller plus loin :
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La plupart des appareils numériques proposent une option qui permet de préserver les hautes lumières et booster un peu les basses lumières. Essayez de l’activer. Les résultats sont parfois intéressants. En contrepartie vous ne pourrez souvent pas utiliser la sensibilité la plus faible ou votre image sera plus bruitée.
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Au format JPG, attention avec les différents modes, filtres et autres effets. Certains peuvent affecter massivement le rendu et causer sur ou sous exposition de certaines parties de la photo. Le traitement appliqué est souvent assez basique (moins sur Fuji) et mange littéralement certaines valeurs de la photo.
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L’utilisation de la technique HDR, au sein de l’appareil ou idéalement en post-traitement reste la meilleure solution pour les scènes très contrastées. Mais il ne doit pas y avoir d’éléments en mouvement. C’est cette technique qui est utilisée pour la photo « immobilière ». Elle permet d’avoir à la fois une bonne exposition de l’intérieur de la maison et de voir les espaces verts autour à travers la fenêtre.
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Si vous ne parvenez pas à saisir le contraste d’une scène…. Pourquoi ne pas diminuer le contraste ? Ouvrir une fenêtre de plus, utiliser un flash, attendre que l’intensité du soleil diminue. A vous de trouver la meilleure solution !
Conclusion :
J’espère que notre internaute Jean-Louis aura trouvé la réponse à sa question ! En tout cas, avec ces 7 étapes et quelques conseils, il aura à sa disposition quelques pistes à explorer pour améliorer ses prochaines prises de vue.
En commençant la rédaction de cette article, je pensais vous donner ma recette pour les photos de mariages (portraits essentiellement) entre ombre et soleil, mais j’ai changé d’avis ! Je vais vous demander comment VOUS vous feriez pour gérer ce type de lumière difficile, mais finalement très courante en plein été. A vous de jouer dans les commentaires! Vous pouvez aussi donner des conseils à Jean-Louis, notre internaute.
très bon rappel marc, cette notion de dynamique est vraiment quelque chose que peu de gens arrivent a comprendre et a prendre en compte, surtout au début… faut choisir ! et même parfois y aller délibérément a fond dans son choix…
Pour répondre a ta question, pour ma part je crois que je ferai le choix de bien exposer mes sujets (mesure spot probablement) et de délibérément avoir un arrière plan surexpose le cas échéant.
juste un truc, il manque le lien dans la 4eme étape: « J’avais écrit un long article(LIEN) »
Merci Marc,
Pour ces précieux renseignements
C’ est vrai que je ne peux et ne respecte pas toujours les réglages adéquats dans des situations un peu difficiles.
Mais là, maintenant avec vos conseils je vais pouvoir mieux me concentre à l’ avenir.
Peux- être à une prochains fois…
Merci encore
Cordialement
JEAN-LOUIS
Comme conseil, je donnerais aussi la technique de verrouillage d’exposition, quand on ne peut ni n’a le temps de se mettre en mode manuel. Pointer vers le ciel, verrouiller l’exposition, puis recadrer la photo… Solution intermédiaire en attendant la mise en pratique de tes autres précieux conseils 🙂