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L’œil du photographe

Depuis que je fais de la photo de manière intensive, j’ai remarqué que je ne regarde plus le monde qui m’entoure de la même façon. Normal, me direz-vous, c’est pour ça, peut-être, que je fais de la photographie! Et vous aurez probablement raison… Mais ce qui me questionne aujourd’hui concerne plutôt l’effet inverse. Ce n’est pas mon regard en tant que tel qui a changé mais je pense que c’est ma pratique de la photo qui a modifié en profondeur mon regard d’être humain sur mon environnement. Pour résumer, j’ai l’impression d’avoir perdu mon « innocence visuelle » si je peux m’exprimer ainsi, à cause de ma passion pour l’image!

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J’ai déjà vécu la même chose pendant mon adolescence avec la musique: depuis que je maitrise (tant bien que mal) la pratique de la musique et la guitare en particulier, je ne parviens plus à écouter un morceau de musique de manière globale, sans me poser de questions, juste en la ressentant avec mes oreilles et mon corps. Quand j’écoute un album ou lorsque j’assiste à un concert, je n’entends qu’une superposition d’instrument très distincts les uns des autres: la voix du chanteur, la guitare rythmique, la guitare lead, la basse, la batterie… Je dois faire un effort particulier pour laisser mon cerveau « mixer » l’ensemble. C’est encore plus vrai avec la guitare, que je maitrise plus particulièrement: elle se détache encore plus des autres instruments, je visualise le placement des doigts sur le manche, la rythme imposé par la main droite sur les cordes, je sens parfois la note qui va suivre dans les styles musicaux que je connais le mieux… Bref, impossible pour moi d’écouter la musique en profane!

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Pour la photo, c’est exactement la même chose! Je ne peux plus regarder un paysage, un concert, une fleur, un insecte, un évènement sans me demander comme je m’y prendrai pour le photographier si j’avais mon appareil entre les mains. D’un certain point de vue, c’est parfait, j’exerce mon regard et cela contribue certainement à améliorer ma pratique de la photographie. Mais en même temps, c’est frustrant de ne plus pouvoir regarder naïvement un scène sans se poser mille questions sur la lumière, le contraste, le cadrage… C’est un peu comme la lecture. Une fois qu’on sait lire on ne peut pas regarder un document écrit sans le déchiffrer quasi instantanément… je vis la même chose aussi avec les films depuis que je m’intéresse à la vidéo: où sont placés les éclairages? Quel type de cadrage est utilisé? Est-ce que les plans sont « raccords »? Même si c’est très stimulant intellectuellement, ça gâche parfois le plaisir du film 😉

Et vous chers visiteurs photographes, vivez-vous la même chose que moi? Et si oui, est-ce une chance ou pas selon vous d’avoir « l’oeil du photographe » ?

31 commentaires sur “L’œil du photographe”

  1. Perso j’arrive assez bien à mettre « mon cerveau » en pause pour arriver à appréhender de manière globale le morceau de zic’ ou le paysage, mais je te rassure la pause est souvent de courte durée et je me reprends à suivre le solo en tapping, à chanter à tue-tête sur un morceau… Ou à trouver les symétries ou les contrastes sur une photo 🙂

  2. Je suis un peu comme toi, dès que je suis quelque part, j’analyse, je cadre, je règle, et surtout je m’ennerve sur les photographes du dimanche « tiens pas ton appareil comme ça » « mais baisse toi » « change de mode » …. Mais ces derniers temps, je me force a sortir sans l’appareil photo, histoire de profiter des petits plaisirs de la vie, et trouver un juste milieu entre trop de photos, et pas assez 😉

    1. On est 3 😉 Bonne idée de sortir sans l’appareil… mais parfois on regrette de ne pas avoir un p’tit Fuji X100 dans la poche pour choper un p’tit truc au passage! Mais c’est vrai qu’il faut savoir déconnecter des fois et PROFITER!!!

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  4. Je me reconnais dans ton article sur la partie photo : quand je sors sans appareil, je regarde les éléments autour de moi en me disant « pour la lumière, c’est la bonne heure » ou parfois quand tout le monde râle parce qu’il pleut, je me dis qu’après la pluie on aura de jolis reflets dans les flaques… et j’imagine la photo que j’aurai pu faire. Bref, je regarde le monde d’un oeil orienté photo mais je trouve que c’est une chance : avant je faisais moins attention aux détails, aux lieux ou aux expressions des gens qui m’entourent, la photo m’aura appris à observer et mieux aimer l’environnement dans lequel je vis !

  5. Salut,

    Je suis d’accord avec toi, mais de mon côté, je trouve que c’est une vrai opportunité. Pourquoi ? Simplement parce que maintenant, je REGARDE les chose, alors qu’auparavant, je les voyais seulement. Et quand je dis voir, la plupart du temps mon attention ne s’y arrêtait pas.
    Depuis que j’ai l’oeil aux aguets, les choses qui m’entourent et qui potentiellement pourraient se transformer en cliché, ont une existence plus significative, plus concrète et plus dense.
    Pour moi c’est une chance, parce que je redécouvre mon quartier, je suis plus attentive aux situations de la rue, et ma curiosité naturelle s’en trouve de nouveau stimulée 🙂

  6. Ce mal me touche aussi même quand je regarde la télé. Par exemple, je suis devant RDV en terre inconnue et je suis en permanence en train de penser à des compositions de paysage de portraits… A tel point que j’ai du mal à me concentrer sur les dialogues.

  7. De mon coté la photo a fait évoluer mon regard … ce n’est pas une surprise. Mais là où cela se ressent le plus c’est sur le regard des médias, du traitement de l’image dans la photo ou la vidéo.

    C’est à se moment que l’on se rend compte des pointures ou pas qui trainent dans le milieu de l’image.

    Ca a aussi changé mon regard sur le monde qui nous entoure et developpe chaque jour une volonté de plus en plus affirmé de le comprendre dans toutes les dimensions qui le compose. C’est sans doute pour ça que sur mon site je ne me cantonne pas à un seul type de photos

    1. Merci pour ta participation à la discussion 😉 C’est vrai que varier ses prises de vue permet encore plus de REGARDER au lieu de simplement VOIR!

  8. Comme les autres, je suis d’accord avec toi 😉
    Mais je me retrouve vraiment dans les propos de Sandrine, et surtout lorsque je me ballade. Depuis que je fais de la macro j’ai redécouvert mon jardin et je regarde autrement toutes ces petites bêtes. Pour le paysages, bien souvent je m’arrête sur des panoramas qui peuvent se transformer en clichés, certes je me pose les questions sur le cadrage, la lumière, mais cela me permet de mieux apprécier le lieu et l’instant présent.

    Maintenant je regarde, je ne vois plus 😉

    1. La macro est un bon exemple: on ne chasse plus les guêpes, on n’écrase plus les araignées… on a juste envie de se coucher dans l’herbe avec un bon objectif macro et de se retrouver nez à nez avec ces petites bêtes!

  9. Bonjour Marc !

    Ca fait des siècles que je n’avais pas vu ton site ! En fait, je crois que j’étais abonnée à ta newsletter et il me semble que je ne reçoit plus rien ??? Et puis je te voyais sur facebook de temps en temps et puis ton projet 365 a été fini, et puis … je ne sais pas … Bref, je suis retombée sur ton site et je le trouve vraiment très chouette ainsi ! Et maintenant, je me suis abonnée aux flux RSS, comme ça, normalement je devrais être au courant des nouveautés 🙂

    Bref, bref, bref, je voulais juste ajouter par rapport à tout ce que tu as dit et tout ce qui s’est dit dans les commentaires, que pour ma part je me pose aussi souvent la question : et si je mets mon oeil dans le viseur, qu’est-ce que je vais découvrir ? J’ai une scène devant moi qui m’intéresse pour diverses raisons (elle est intéressante, il y a une belle lumière, les éléments ont l’air de s’harmoniser, etc …) mais ce n’est pas tout. Car l’oeil nu ne peu pas tout déceler et souvent, le fait de de regarder à travers une lentille, quelle qu’elle soit nous permet de découvrir des choses qu’on n’aurait pas vues autrement.

    Je te souhaite une excellente fin de journée !

    Laurence

    1. Merci Laurence pour ton retour sur mon nouveau blog! Merci aussi pour ton témoignage sur le sujet. Il apporte un nouvel élément dans la discussion: le viseur est-il un catalyseur qui permet à l’oeil de découvrir le sujet à photographier? J’aurai tendance à penser que oui!

      PS: le prochaine sujet « reflexion » devrait te plaire 😉 Je n’en dis pas plus!

  10. Retour de ping : L’œil du photographe | Marc Charbonnier | Jaclen 's photographie | Scoop.it

  11. Depuis que je fais de la photographie, moi aussi je ne regarde plus le monde de la même façon.

    Avant je pouvais passer à côté de belles choses, simplement parce que je n’y faisais pas attention.

    Mon « œil de photographe » averti m’a amené progressivement à justement avoir l’oeil partout.
    En plus que de me dire « comment je pourrais prendre ce paysage ou cette fleur ? », je me dis de plus en plus souvent « regarde attentivement si dans ce paysage ou à côté de cette fleur il n’y aurait pas un petit détails qui ferait la différence, une petite chose insignifiante à priori mais qui ferait un bon sujet photo ».

    J’ai appris progressivement à « scanner » mon environnement immédiat à la recherche d’éléments auxquels je ne prêtais pas attention jusque là.

    J’ai appris aussi à m’arrêter, en pleine rue au risque de paraitre ridicule, et à regarder tout autour de moi, à me baisser et à retraverser trois fois la rue s’il le faut pour trouver le bon angle de prise de vue : c’est cela que j’appellerai « vivre le moment présent sans se soucier de l’entourage ».

    Aymeric

    1. Merci pour ton témoignage! J’aime bien l’idée de « scanner » c’est assez juste. Je fais presque un mouvement circulaire avec ma tête face à un paysage par exemple, histoire d’embrasser toute la scène et pouvoir sélectionner un sujet!

  12. Je pense que c’est assez unanime ! 😀 Pour moi aussi, la photo a changé ma vision du monde, et je ne regarde plus de la même façon autour de moi. En particulier dans mon domaine de prédilection : le concert. J’ai une fâcheuse tendance à regarder les photographes, et à les envier… ou à les pourrir intérieurement (quand ils ont par exemple l’idée d’utiliser le flash…). Et surtout, je « vois » des photos tout le temps. Il y a des moments où mon oeil fait presque clic-clac tout seul 😛

    Ce qui m’amène à la musique, où c’est pareil pour moi. Je suis musicien et mélomane depuis longtemps, et quand j’écoute un nouveau morceau par exemple, je l’analyse. Ou même un que je connais par coeur : je capte tout, l’entrée de la guitare, un coup de cymbale purement génial, la ligne de basse, …

    Par contre, j’ai du mal à voir un seul aspect négatif à ça. J’adore ça, avoir ce regard (ou cette ouïe) plus affuté sur les choses. Etre photographe, c’est aussi voir de la beauté en toute chose. Que ce soit pour l’image ou pour le son, mon acuité un peu particulière me rend très enthousiaste vis-à-vis de petits détails, et j’adore ça, même si on me prend parfois pour un OVNI (quand je m’exclame pour un coup de cymbale parfaitement placé, il faut me suivre dans mon délire hein, sinon on ne comprend pas :P).

    1. Merci pour ton commentaire Laurent! Effectivement ce n’est peut-être pas si négatif mais j’aimerai juste me rappeler comment c’était « avant » 😉

  13. Je n’ai pas assez d’années de pratique de la photographie pour en être à ce point. Mais avant même de me plonger dans ce domaine, j’ai toujours essayé de garder le plus intact cet émerveillement devant des choses simples. Je pense que cela se cultive aussi, tout comme l’oeil du photographe.

    J’en ai vu des lever/coucher de soleil, ces couleurs qui peuvent enflammer le ciel. Des photos souvent bien difficiles à réaliser d’ailleurs pour retranscrire ce que l’on a vu. Pourtant, chaque fois que j’ai l’occasion d’assister un magnifique lever ou coucher, j’ai parfois l’impression d’en voir un pour la première fois.
    Pareil pour d’autres « spectacles » de la nature: un ciel étoilé, les vagues qui éclatent contre les rochers là où j’ai passé l’essentiel de mes vacances. Des spectacles récurrents et un plaisir intact.

    Mais n’est-ce pas pareil pour le photographe ? Ne revient-il pas sur ces sujets préférés avec le même plaisir ?

    1. C’est vrai! Le sentiment de voir une scène pour la première fois reste, même si on est expérimenté. C’est sûrement pour cela que l’on continue à faire de la photo, encore et encore..

  14. qui n’a pas eu cette réflexion ?
    Mais je dois dire que ce tourment m’est maintenant étranger, je n’envie pas l’admiration ou la joie d’amis pour certaines musiques (je suis musicien « à l’origine ») si les ficelles sont plus grosses que les marionnettes ou quand l’interprétation pèche de trop de manques.
    Pour la photo, l’oeil (l’idée qui est derrière) devient plus pointue, sophistiquée, ce qui ne signifie pas artificiel. Tu sembles déplorer de voir trop souvent « en photo », le monde ou les moments, mais combien de personnes ne voient pas les photos qu’ils ont sous les yeux ? C’est par exemple le cas de nombreuses photos de famille ou de vacances, où la photo ne « montre » rien à celui qui n’était pas présent le jour de la prise de vue.
    C’est un peu le mythe de l’imbécile heureux, & je dis ça avec beaucoup de sympathie, car on est tous imbécile de quelque chose, moi le premier, par ignorance, le plus souvent. ce qui ne veut pas dire plus heureux ou plus spontané.

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